Date de publication
10 juin 2025
modifié le

Le 6e épisode du podcast “Plus qu’une fac” est en ligne

Découvrez chaque mois une voix étudiante sur des choses importantes. Dans ce sixième épisode, Élodie nous raconte une histoire de kintsugi.   

visuel podcast plus qu'une fac

L’Université Rennes 2, c’est bien plus qu’un lieu d’études. Dans chaque épisode de Plus qu’une fac, un ou une étudiante de Rennes 2 se confie sur ses choix, ses rencontres, ses peurs, ses envies… Sur ce moment de vie crucial où l’on commence à devenir soi-même. Formation, logement, engagement associatif et politique, etc. sont autant de thèmes abordés par le prisme de l’intime.

Dans cet épisode, c'est de nouveau Élodie, en master CAPS, qui se raconte. Si vous ne la connaissez pas encore, vous pouvez écouter la première partie de son témoignage sur son retour à la fac à 37 ans, dans l'épisode précédent. Aujourd’hui, elle nous parle des façons dont elle transforme les violences qu’elle a subi de la part de son ex-conjoint, à travers son mémoire de master ou bien sa participation au concours d’écriture organisé par le service culturel de Rennes 2, dont elle a été lauréate en 2023.

Écouter le sixième épisode du podcast "Plus qu'une fac"
Contenu du texte déplié

[Musique du générique]
Voix off : Rennes 2, c'est bien plus qu'un lieu d'études. C'est un point où convergent plus de
vingt mille destins. Un moment unique où l'on fait des choix, des rencontres et des erreurs.
Où l'on apprend à être soi. Où l'on s'élance, chacun et chacune à sa façon.
Dans cet épisode, c'est de nouveau Elodie qui se raconte. Si vous ne la connaissez pas
encore, vous pouvez écouter la première partie de son témoignage sur son retour à la fac à
37 ans, dans l'épisode précédent. Aujourd’hui, elle nous parle des façons dont elle
transforme les violences qu’elle a subi de la part de son ex-conjoint, à travers son mémoire
de master ou bien sa participation au concours d’écriture organisé par le service culturel de
Rennes 2, dont elle a été lauréate en 2023.
C'est une histoire de kintsugi, tout de suite dans Plus qu'une fac.
[Fin de la musique du générique]
Élodie : Ce concours de nouvelles qui était sur l'errance, vraiment je me suis dit : “C'est
l'occasion de mettre ça hors de soi.
” J'ai choisi d'écrire sur le thème des violences faites aux
femmes, notamment les violences intra-familiales, conjugales ou domestiques. Parce que
j'étais prête tout simplement à le faire, ça n'aurait pas été le cas quelques mois avant.
Commencer à mettre au courant mon entourage m'a permis d'en arriver à ce point où je
pouvais rendre ça encore plus public. Et ça a permis aussi d'informer d'autres personnes qui
étaient moins proches, néanmoins ça me semblait important. Et surtout c'était libérateur, je
ne souhaitais pas qu'il y ait de secrets ou de tabous autour de ce sujet. C'est pas toujours
facile parce qu'on n'a pas envie d'être la victime, mais en fait c'est une réalité. Et pour ne
plus être seulement la victime, moi ce texte, le fait de rendre ça public, ça permettait aussi
d'avancer, de dépasser ce statut-là, qui n'est pas une identité. Victime n'est pas mon
identité.
C'est devenu aussi mon sujet de recherche, c'est le sujet de mon mémoire, pour que mon
problème devienne le problème. Donc ça c'est une phrase que j'emprunte à Massimo Dean
[metteur en scène rennais, ndlr], qui m'aide beaucoup à garder un cap dans ma mémoire,
parce que c'est pas toujours facile de partir d'un récit intime pour que ça intéresse déjà, et
ensuite l'idée c'est une transformation. Donc ce qu'on veut c'est aussi interpeller, c'est pas
pour contenter, faire plaisir ; c'est bien de susciter l'émotion, mais il y a un but derrière cette
émotion. Donc c'est vrai que c'est un sujet qui est très traité mais qui est mal traité dans la
société, au sens d’une non prise en compte, d’une non prise en charge par la justice ; et il y
a beaucoup de violence à cet endroit, à l'endroit la justice, bien sûr au niveau de l'agresseur,
mais l'oppresseur il a de multiples têtes, comme une hydre à plusieurs têtes [rires], et pour
moi c'est une manière d'être active. Certes ce n'est qu'un texte poétique, mais il y a
plusieurs endroits de résistance, et celui-ci pour moi en était un. De même que mon
mémoire est un endroit de résistance. Même définir le sujet. Par exemple, là dans mon
mémoire je me trouve au carrefour de “bon, il va falloir faire entonnoir, comment je fais ?
Est-ce que je parle de violences intra-familiales, les VIF, violences sexistes et sexuelles,
VSS, ou violences domestiques ?” Et récemment, je me suis dit que j’aimais bien “violences
domestiques”
, parce qu’en fait il y a l’idée de ce qui est caché. C’est dans la maison. Et c’est
pas parce que c’est dans la maison, dans la domus, que c'est pas politique !
[Une nappe sonore débute. Élodie lit un extrait de sa micro-nouvelle lauréate du
concours d’écriture, Plancton, Serpentine]
Nous l’appellerons Un. Il est n’importe qui. À son tour, d’errer sans être nommé.
Errance, celle des chambres vides de l’esprit, déménagées par la force de Un. Errance,
dans les couloirs mur(mur)és de la justice.
Je me suis faite Serpentine.
Être en errance, comme un galet roulé cabossé poli. Poli.e, si c’est ce que l’on attend de
moi, poli.e, c’est ce que je ne serai plus.
[Fin de la nappe sonore]
Élodie : Alors le sujet précis de mon mémoire, je vais plutôt le contextualiser parce que j'ai
plein de problématiques et je n'ai pas la problématique. Au début, je voulais travailler sur la
santé mentale en espace public et en fait, c'était assez tentaculaire. Je ne savais pas du tout
par quel bout le prendre. Et il s'avère que, au printemps 2023, un projet a été proposé par le
CDAS [Centre départemental d'action sociale, ndlr], en partenariat avec la Maison de la
poésie, qui elle, conseillait une autrice et mettait à disposition ses locaux - donc magnifique,
la Maison de la poésie, c'est un endroit refuge incroyable. Et le projet du CDAS, c'était de
proposer à des femmes qui ont été victimes de violences de la part de leurs ex-conjoints,
des ateliers d'écriture. On n'est pas sur du thérapeutique. Bien sûr, il y a l'idée du soin, mais
là, on est plutôt dans un acte créatif. Moi, c'est ça qui m'intéresse dans mon mémoire. Ce
n'est pas de l'art-thérapie, mais l'acte créatif, ça déplace, ça permet d'aller ailleurs. Ça
produit quelque chose en soi et ça peut produire quelque chose pour les autres aussi.
Mes camarades, les femmes incroyables que j'ai rencontrées là-bas, leur anonymat est
souhaité et respecté et c'est d'abord pour elles qu'elles ont écrit. Et moi, je suis à la fois
participante et j'ai fini par décider de travailler sur ce sujet, dans le cadre de mon mémoire.
Mon idée, déjà, c'est de documenter ces ateliers puisqu'ils vont reprendre avec de nouvelles
arrivantes. On va être ambassadrices de celles qui arrivent. Et le deuxième volet de mon
mémoire, c'est de matérialiser les écrits. C'est de proposer une performance dansée à partir
des écrits. Je commence à travailler avec une danseuse puisque pour l'instant, ce n'est pas
moi qui vais danser. Je ne sais pas si je vais apparaître dans le mouvement, dans cette
performance, mais le protocole est en cours d'écriture et j'ai plus de questions que de
réponses actuellement [rires]. C'est un peu la phase chaos du mémoire où beaucoup de
matière arrive et on ne sait pas encore ce dont on va se servir et comment on va structurer
tout ça.
[Virgule musicale]
Élodie : J'ai toujours été créative, dès l'enfance. D'ailleurs, j'étais beaucoup plus manuelle
dans l'enfance que je ne le suis actuellement, ce qui m'étonne un peu. En tout cas, j'ai
besoin de temps et d'espace autour de moi pour penser à des choses. J'ai beaucoup de
projets dans les tiroirs qui n'ont pas vu le jour ou plutôt qui n'ont pas encore vu le jour. Mais
néanmoins, ce master, ça me donne un petit peu l'énergie de penser que ça puisse être
réalisé un jour.
J'ai toujours écrit, j'ai toujours dansé, mais j'ai découvert qu'il y avait plein de formes de
danse et de manières d'écrire. Parfois, j'ai l'impression que c'est comme si on ouvrait une
porte et [exclamation] il y a un monde parallèle derrière et c'est incroyable. Ça m'a fait un
peu cet effet-là récemment avec la poésie contemporaine. J'ai une écriture poétique, mais
j'avais une méconnaissance en poésie contemporaine. Récemment, je suis allée à la
Maison de la poésie où on a su me conseiller sur un sujet de recherche que j'avais. Et là, j'ai
eu l'impression qu’une porte s'ouvrait et j'ai découvert des maisons d'édition qui proposent
des autrices et des auteurs qui font un travail super et aussi des manières d'écrire qui sont,
comment dire, peut-être plus crues que ce à quoi j'avais l'habitude de faire face. Et ça me
parle, ça a fait écho. Et des formes et des manières autres. Ça me fait dire que parfois la
forme peut être plus importante que le fond. Et ça, je le découvre, ce jeu avec la forme.
Et après, la danse. Ça fait quelques années que je suis pas mal de trainings, de workshops,
désolée pour les anglicismes [rires], des ateliers, on va dire ça, des transmissions. Et
notamment, j'ai un réel plaisir à danser dans le paysage. J'ai suivi plusieurs ateliers avec
des chorégraphes qui dansent dehors, en extérieur, dans le paysage. Et ça, quelle
découverte aussi !
[Virgule musicale]
Là, je fais partie d'un projet de danse en tant que participante. C'est avec la Collective des
mères isolées et c'est avec la chorégraphe Susy Chetteau. Donc là, il s'agit d'une création.
On ne sait pas du tout ce que ça va donner, vers où on va aller. En tout cas, c'est assez
excitant. Nous sommes des femmes qui avons vécu des violences, mais à différents
endroits, puisque la violence est systémique et il y a des manifestations qui peuvent être
différentes. En tout cas, les femmes en sont malheureusement des victimes en première
ligne. Donc pour l'instant, j'en suis là. Et je ne sais pas trop par la suite ce que ça va donner.
Je crois que je me concentre sur le mémoire, mais je ne serai pas hostile à
professionnellement me diriger vers ce sujet-là. J'ai constaté qu'en commençant ce
mémoire, il y avait une mise à distance qui s'opérait et je suis peut-être capable et prête à
pouvoir utiliser mes compétences dans des missions de… Je ne sais pas. Je n'ai pas du tout
d'idée encore, mais en tout cas, pourquoi pas ? Moi, ce que j'aime, c'est la transmission. J'ai
envie de transmettre, j'ai envie de faire le relais et d'être un peu le médium en fait.
L'interface. Utilisez-moi comme médium et interface [rires].
[Virgule musicale]
En tant que féministe, je suis révoltée par énormément d'inégalités qui ont trait aux violences
faites aux femmes à plein de degrés différents. En fait, ce qui me révolte, c'est tout ce qui
exerce une violence de la part des oppresseurs sur les oppressé·es, sur les opprimé·es. Je
ne sais plus si c'est un auteur russe ou un philosophe qui a dit : “La beauté sauvera le
monde.
” Oui, j'en suis convaincue. Alors pas que. Pas que la beauté [rires]. En tout cas, ça
permet de garder espoir et je trouve qu'avec l'art, on peut lutter. C'est un mode de lutte, c'est
un mode de résistance. Non seulement, ça rend visible, ça représente, bien sûr ; le tout,
c'est que l'art ne reste pas confisqué par l'élite, en tout cas, les dominants. Je vais dire les
hommes, blancs, bien installés économiquement, etc. Mais pour moi, faire sans l'art, ce
serait manquer de souffle, manquer d'air. Ce serait manquer du pas de côté. J'ai une image
en tête que je compte utiliser peut-être dans la performance, en tout cas dans le mémoire,
c'est “kintsugi”
. C'est la vaisselle japonaise qui a été brisée et il y a une peinture dorée qui
permet de faire du liant entre les différents tessons, entre les différents fragments de cette
vaisselle cassée. Je sais pas pourquoi, mais j'ai cette image qui m'apparaît en parlant de ça.
Il y a une phrase que j'ai hyper envie de citer, c'est Robert Filliou, qui était un artiste du
courant Fluxus : « L'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art ». Je sais pas
pourquoi, je sais qu'il y a des angles morts, mais ça, ça me parle. Je sais pas si j'en vivrai,
même si… C'est vrai qu'avec le master, on peut à la fois se retrouver du côté de celui qui
crée, que du côté de la personne qui coordonne ou qui programme. Donc je ne sais pas
quelle place je vais prendre là-dedans. J'aimerais bien qu'il y ait une petite part pour la
création, et si ce n'est pas au niveau pro, ce sera au niveau perso. Dans ces cas-là, il me
faudra peut-être un petit peu de temps. Tout ça se réfléchit, mais en tout cas, je crois que je
n'ai pas envie de sacrifier ça.
[Musique du générique]
Voix off : Plus qu'une fac, c'est un podcast de l'Université Rennes 2 réalisé par le service
communication.
Un grand merci à Élodie, à qui l'on souhaite de continuer sur la voie de la liberté et de la
douceur.

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